Philippe, quel bilan tires-tu de cette première partie de saison ?
Le fait marquant de cette saison 2017/18 est le non-engagement de notre club dans un championnat officiel en U15. Comme souvent lorsque l’on foule une terre inconnue, la crainte de quitter ses bases est réelle. Ainsi, nous avons constaté beaucoup de scepticisme dans les propos de joueurs, de parents ou de supporters lors de cette décision en juin 2017. Actuellement, les principaux acteurs sont satisfaits.
Pourquoi avoir fait ce choix ?
Cette décision est une démarche réfléchie depuis quelques années. Plusieurs raisons nous ont conduits à cette réorganisation : l’organisation anxiogène du championnat avec 3 descentes, la priorité à la maturité athlétique en inadéquation avec le devenir du joueur, la structuration de la saison très figée et l’incohérence avec notre projet de formation.
Comment s’est organisé cette première partie de saison ?
Cette saison, nos U14 et U15 se sont retrouvés le 21/08. Depuis, nos U14 se sont entraînés quatre fois par semaine, ont bénéficié de coupure le week-end et ont joué face à des adversaires de leur poids et de leur taille ou leur offrant une opposition de bon niveau, variée et engagée. Nos U15 se sont entraînée cinq fois par semaine, dont une fois par semaine en U16 pour tous, bénéficiant eux-aussi de coupures le week-end et jouant des matchs à haute intensité. Quatre d’entre eux ont déjà évolué en U17. Tous semblent satisfaits. Nous les premiers, qui constatons une différence importante dans la relation des uns avec les autres. L’entraide, la prise d’initiative, la créativité s’expriment dans chaque séance. Cette ambiance permet à chacun de progresser à son rythme. Le fait de se sentir maître de son action leur permet de grandir et devenir le meilleur joueur possible, sans chercher à écraser son voisin et en acceptant de rester soi-même. Afin d’améliorer leur quotidien, le lien avec nos établissements scolaires demeure excellent, et le FC Lorient a investi dans un nouvel hébergement, à 3 minutes de l’Espace FCL, au centre nautique de Kerguélen.
Quels sont les objectifs de la préformation ?
Un des principaux objectifs d’un centre de formation est d’accompagner des jeunes vers le haut niveau. Or, les chiffres de la formation bretonne en terme de footballeurs bretons professionnels sont insuffisants, au regard du nombre de licenciés ! Nous nous sommes d’ailleurs aperçus qu’entre 12 et 15 ans, beaucoup arrêtaient de jouer au football (-35 à 40% de licenciés), mais surtout que l’on passait d’un très bon niveau U13 à un football U15 pauvre, basé sur les attaques directes et sur la dominante athlétique. Ainsi, à notre avis, une des causes de cet appauvrissement est l’organisation des compétitions, qui favorisent essentiellement une perte de plaisir et d’enthousiasme pour les jeunes. Soucieux de permettre aux jeunes Lorientais, Morbihannais et Bretons d’accéder au haut niveau dans notre équipe professionnelle, il nous fallait tenter de mieux organiser leur pratique quotidienne.
Qu’attends-tu des jeunes en préformation ?
Nos attentes se situent davantage auprès de l’environnement du joueur : direction technique nationale et régionale, parents, accompagnateurs, relations entre la SASP et l’association du FCL, relations avec les établissement scolaires… Bref, nos attentes se situent dans l’optimisation de l’ensemble de l’environnement du jeune joueur ! Et ce, pour que le JEU soit au centre de leurs apprentissages. Pour que nos jeunes JOUENT. Ce que l’environnement du jeune doit intégrer, c’est que lorsque que l’on évoque le jeu et l’enjeu, un équilibre doit régner. Or, dans les divisions U15 bretonnes, l’enjeu est trop fort pour des jeunes de cet âge. Nous n’avons jamais réussi à établir cet équilibre. L’enjeu détruit leurs capacités à grandir, et pas qu’en football, car un jeune de 13 ou 14 ans n’est pas toujours apte à le gérer. Certains s’en sortent, fort heureusement, chanceux d’être bien accompagnés à la maison. Mais jouer au football pour ne pas descendre, pour être champion ou pour gagner une coupe est une histoire d’adulte. Nous restons persuadés qu’un jeune qui joue désire se confronter à l’autre avec la volonté de gagner et ce, sans qu’il en soit encouragé. Ce sentiment est déjà présent. Le championnat anciennement DH Elite devenu U15R1 ne fait qu’exacerber ce sentiment… et le jeu disparaissait bien souvent. L’envie de jouer aussi. Reste l’envie de gagner, mais sans savoir comment faire. Or, le jeu du football est si riche qu’une attention de chaque instant y est nécessaire afin de préserver cette richesse. Notre devoir en tant qu’éducateur est de les guider vers une connaissance de leur activité, afin qu’ils en deviennent des spécialistes, sans les exposer au surmenage ! Aujourd’hui, même dans le milieu professionnel, trop de joueurs ne connaissent pas suffisamment leur activité pour espérer devenir meilleur. Beaucoup n’ont fait « que » de la compétition en jeune.
Quel message souhaites-tu adresser aux jeunes ?
Le message s’adresse à ceux qui veulent l’entendre… Mieux nos jeunes se sentiront, mieux ils joueront. Mieux ils joueront, plus ils progresseront. Et plus ils progresseront, mieux ils seront prêts pour la haute compétition ! Et non l’inverse.
