22 Fév | Actualités

Umut Bozok : “Nous sommes des porte-paroles majeurs”

Umut Bozok, joueur international turc et ancien attaquant du FC Lorient, était dans la ville de Trabzon au moment des terribles séismes ayant ravagé le sud de la Turquie, le 6 février dernier. 

Actuellement sous contrat avec le club de Trabzonspor, Umut n’a pas été directement touché par les violentes secousses. L’ancien lorientais a accepté de nous parler de cet événement à travers un long entretien.

Umut, tout d’abord, comment vas-tu ? Ta famille et toi, êtes-vous en bonne santé ? 

Au niveau de la santé, tout va bien pour moi et mes proches. Merci. Maintenant cette situation est vraiment particulière pour tout le monde. On est tous extrêmement touché par les multiples séismes ayant sévi dans notre pays ainsi qu’en Syrie.

Aujourd’hui, on essaye d’aider du mieux que l’on peut les personnes touchées. De notre côté, même si on a eu la chance d’être loin de l’épicentre du séisme, c’est dur psychologiquement de vivre cela. De voir les images. De se sentir totalement impuissant face à une telle catastrophe naturelle.

Les images de certaines villes turques sont terribles…

Les images de chaos font aujourd’hui partie de notre quotidien. On voit ça tous les jours en boucle. On s’y est très malheureusement habitué. Maintenant, notre rôle est d’apporter notre pierre à l’édifice. D’aider du mieux que l’on peut, avec des dons financiers et matériels.

Dans une telle situation, nous les footballeurs, on doit se sentir encore plus concerné. Nous sommes des acteurs majeurs, des ambassadeurs. Que ce soit physiquement, mais aussi sur les réseaux sociaux pour partager des créations de cagnottes, des appels aux dons pour des produits de première nécessité… On doit répondre présent.

Tu dois être profondément touché de voir ton pays vivre cela…

C’est un moment vraiment compliqué. Moi la Turquie c’est mon pays, ma patrie. Je ne pensais jamais vivre cela de ma vie. Ce genre de chose, on ne pense le vivre que dans les films. Aujourd’hui, ça fait partie de nos vies. De l’histoire de notre pays.

Comment se relever ? 

La solidarité de la Turquie fait vraiment chaud au coeur. C’est beau à voir. Le peuple turc est connu pour sa grande solidarité, on le sait. Un peuple soudé. Mais dans ces moments terribles, tu te rends encore plus compte de la force de ce pays. De l’unité du peuple turc.

Maintenant, il faut aussi être réaliste. Il y a des choses à revoir en Turquie. Quand on voit aujourd’hui ces centaines de bâtiments dévastés, on doit aussi repenser notre façon de reconstruire. De mettre les immeubles aux normes. De ne surtout pas refaire les mêmes erreurs.

De ton côté, comment as-tu appris la nouvelle du séisme ? (Umut étant dans la ville de Trabzon au moment des séismes, à plus de 400 kilomètres de l’épicentre). 

J’ai appris la nouvelle par un coup de téléphone de la compagne de mon ancien coéquipier, Valentin Eysseric (joueur évoluant au Kasimpasa SR, ancien club d’Umut Bozok), à ma conjointe. Un appel entre 4h et 5h du matin dans la nuit du séisme. Elle n’arrivait pas à avoir des nouvelles de Valentin. J’ai donc de suite essayé de le joindre, sans réussite. J’ai donc décidé d’appeler l’intendant du club de Kasimpasa, qui lui m’a répondu en me disant qu’ils étaient tous dans le bus du club, afin de se protéger des secousses dans l’hôtel où l’équipe résidait.

Ce dernier m’a alors raconté ce qu’ils avaient vécu. Les secousses puissantes et surtout la peur. Il y a eu quelques blessés dans l’équipe de Kasimpasa, mais par chance rien de grave.

As-tu eu d’autres nouvelles de joueurs ayant vécu les secousses ? 

Oui notamment Rayane Aabid, joueur d’Hatayspor, qui a directement vécu le séisme. Je l’ai vu quelques jours plus tard à Istanbul. Il a pu me raconter ce qu’il avait vécu.

Rayane dormait au moment des terribles secousses. La première chose qu’il a fait, c’est protéger son fils et sa femme. Entre temps, il a chuté plusieurs fois dans les escaliers.

Le lendemain, après s’être mis en sécurité, il a pu retourner chez lui pour récupérer des affaires. Et un autre séisme s’est déclaré. Un enchainement de moments horribles pour lui.

Rayane nous disait que les images que l’on voyait à la télévision n’étaient rien par rapport à la réalité de ce qu’il avait vécu.

Comment s’organise la solidarité en Turquie ?

Il y a des organismes, comme l’AFAD (Agence turque de gestion des catastrophes et des situations d’urgences), qui mettent en place des dispositifs d’aide et de récoltes de dons pour les sinistrés.

Il y a eu, il y a quelques jours, un programme de télévision turque qui a permis de récolter plus de cinq milliards d’euros. Et cet argent va servir à nettoyer les villes, subvenir aux besoin des habitants et ensuite à reconstruire le pays.

Comment le football turc et les clubs ont-ils participé ? 

Tous les clubs ont envoyé des camions et des bus sur les lieux touchés par la catastrophe. Avec l’envoi de produits de première nécessité, de la nourriture, de l’eau, des vêtements… Des cagnottes ont aussi été créées. Nous en tant que joueurs, on a fait des courses, des dons. On se doit d’aider ces personnes en zones touchées.

Tu as aussi été touché par les multiples réactions venant de France et d’Europe ? 

Tout d’abord, j’ai remercié les supporters lorientais pour les nombreux messages de soutien. Cela m’a fait extrêmement plaisir. J’ai aussi beaucoup apprécié les minutes de silence et d’applaudissements dans les stades français. C’est pour moi très important.

C’est aussi primordial de partager les informations, les cagnottes, les mouvements de soutien.

Quand tu parles de partager les informations, tu veux notamment parler de la part des joueurs ? 

Totalement. Après je ne demande en aucun cas aux joueurs de participer financièrement. Chacun fait ce que bon lui semble, on ne doit pas juger ça. Mais partager et relayer les dispositifs d’aide, tout le monde devrait le faire.

Les joueurs de foot apportent de la crédibilité et sont des porte-paroles majeurs pour ce genre de catastrophe.

L’UNICEF, partenaire du FC Lorient, met notamment en place d’importants dispositifs pour aider les enfants démunis après les multiples séismes

Il faut relayer au maximum les cagnottes et les actions de solidarité de ce type. Je remercie l’UNICEF ainsi que le FC Lorient. Ce genre d’action fait aussi partie de la vie d’un club. Ce type d’événement tragique peut toucher n’importe quel pays, et on doit compter sur le maximum de personnes pour sortir de cela. Je le répète, les clubs de foot et les joueurs sont des ambassadeurs.

Quelques jours après le séisme, Trabzonspor a disputé une rencontre de coupe européenne. Un moment forcément particulier et émouvant ? (Les bénéfices de la rencontre étaient entièrement reversés aux victimes des tremblements de terre).

Oui, face à Bâle en Ligue Europa Conférence, on a assisté à un très beau moment. Le tifo était juste magnifique. L’ambiance aussi. Les supporters ont chanté du début à la fin de la rencontre. Avec énormément d’émotions. Ils ont chanté pour toutes les villes touchées par les séismes, c’était un magnifique moment. On ne jouait pas que pour notre club. On a joué pour la Turquie.

Les championnats de football turc sont actuellement arrêtés suite aux multiples séismes ayant sévi en Turquie ainsi qu’en Syrie. Aucune date de reprise n’a pour le moment été fixée.

Umut Bozok et son club de Trabzonpor sont actuellement engagés en Ligue Europa Conférence. Ils disputent le barrage tour, ce jeudi 23 février à 21h sur le pelouse du FC Bâle, afin d’accéder aux 16èmes de finale de la compétition. 

Le Football Club de Lorient adresse, une nouvelle fois, tout son soutien aux victimes des multiples tremblements de terre en Turquie ainsi qu’en Syrie.  

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